Fin de l’errance – Partie 2

Partie 2 – Lac de Laychauda

Après cette nuit entrecoupée d’écriture, je me lève difficilement, mais je dois rendre la location à 10h, je m’active donc. Je vais rejoindre Lionel, un être cher que je n’ai pas vu depuis longtemps. Juste un aperçu de quelques minutes mais j’en suis déjà bien heureuse. Faisant la route vers Vallouise, je refais le point sur ce que je suis en train de vivre. Ces derniers soirs, j’ai senti cette forme d’angoisse que j’identifie comme liée au contrôle. Alors mon petit, on avance comment toi et moi ? La route est sublime, le soleil revient après quelques jours de pluie et les couleurs sont chatoyantes, je passe dans des lieux que je connais bien, et cela me fait du bien. Je roule au sein de chaque hameau en essayant de savoir si je me sentirais bien d’y vivre. En arrivant à l’Argentière, je passe à la Gousse d’Ail, un magasin bio que j’aime. J’y aime particulièrement la douce dame qui vend les produits, sa lenteur me fait du bien, et son sourire léger et franc m’apaise. Courses pour le midi faites, je poursuis mon chemin jusqu’à Vallouise où j’ai rendez-vous en fin de matinée avec Lio. Je l’attends au soleil et lorsqu’il arrive avec sa compagne Anne, je suis envahie d’un intense sentiment de joie et d’apaisement. Quel bonheur de revoir Lionel et d’enfin rencontrer l’être cher qui lui anime le cœur. Et je comprends instantanément pourquoi! Je suis heureuse pour ces deux belles âmes. Peu de temps, l’essentiel échangé, je repars le cœur gonflé de la lumière qu’il m’a toujours transmise. Il est des êtres dont la simple présence illumine votre chemin. Et très joli clin d’œil de la vie, j’apprends que le village dans lequel je cherche une location est celui où il rénove depuis peu son prochain nid douillet !

Pour cette journée, j’avais prévu d’aller à la rencontre d’autres habitats potentiels. Il me faut patienter une petite heure pour l’ouverture des agences, mais arrivée à la voiture… c’est le lac d’Eychauda qui m’appelle, j’ai trop besoin de marcher, d’être seule, d’altitude. Ainsi je saute dans ma voiture et file dans le vallon de Chambran. Je m’extasie des couleurs que me présente dame nature. Des tons vifs et lumineux, cela me traverse complètement. Une fois garée au parking de Chambran, je commence l’ascension entourée de sublimes mélèzes dorés. Je réalise alors que je n’ai pas envie de chercher où je vais dormir ce soir, je voulais aller dans une cabane de berger, mais je ne connais pas assez ce coin-là. Profitant d’un accès au réseau, je choisi de me faciliter la vie, et ainsi réserve pour une nuit au refuge du Pas du Loup. Je me sens parfaitement apaisée, certainement parce que j’ai sécurisé ma nuit, je sais où je vais dormir. Allant sur le chemin montagneux et intérieur, faire le point m’est plus facile, tout m’est plus évident lorsque je suis là-haut. Le cœur est confiant de ce que la vie m’offre. J’avance d’un pas rythmé, régulier, et le silence se fait en moi. Je sens qu’une évolution importante fait son chemin. Oui je cherche un lieu pour être chez moi. Mais je sens surtout qu’il s’agit de ce fameux contrôle et de son pendant : la liberté. Chaque pas est l’occasion d’ancrer en moi la fin d’un cycle, le début d’une nouvelle période de ma vie. Ainsi je sens que la liberté que je clamais haut et fort était fort empêtrée de diverses peurs la limitant fortement. J’ai toujours des peurs, mais je n’en laisse aucune sur le bas chemin. Je ne suis qu’au premier pas, la route sera probablement longue pour y parvenir, mais je franchi ce pas du jour avec une grande joie. Je m’engage à marcher sur mon chemin de liberté, je suis loin d’être infaillible, je sais que les erreurs seront là, c’est aussi cela qui fait que les certitudes ne sont pas le socle de ma vie, je tente alors d’accepter ces erreurs et les réminiscences… Je suis joyeuse de ce pas de plus vers moi-même. Cette ascension est très calme, je croise quelques personnes qui redescendent, peu de monde. A une centaine de mètre du lac, je croise un couple avec un tout petit bébé. A 2500m, ce petit gars s’est choisi de très bons parents ! Je continue jusqu’au lac, la neige est très présente et c’est assez surprenant car elle s’invite sans s’annoncer ! Le soleil est déjà bien bas, je prends le temps de quelques clichés et de fouler la neige, je m’enfonce drôlement à certains endroits ! J’observe les premiers glaciers qui se forment sur le lac, les éléments se mélangent, plusieurs saisons en une, l’automne jusqu’à 2000m, laissant place à l’hiver au-dessus.

Une fois garée au parking de Chambran, je commence l’ascension entourée de sublimes mélèzes dorés

Dans cet écrin fabuleux, je m’installe un moment pour aller chercher en moi ce que signifie ce « contrôle » dans ma vie. Je me remémore certaines situations où j’ai voulu le mettre en place pour être rassurée, pour ne pas aller dans une zone d’inconfort. J’imagine ensuite cette situation si j’avais lâché cette prise. Ce faisant, je sens cet inconfort qui s’installe en moi, et solennellement je me prends par la main et m’offre une parcelle de liberté. Et si tu allais vers l’inconnu, et si tu apaisais cette inconfort en lui-même plutôt qu’imposer ton contrôle à la situation ? Je prends l’exemple de mon habitat, et si je faisais complètement le vide extérieur et que j’étais seule avec moi-même, quel endroit m’attirerait…. L’exercice n’est pas facile, il me faut aller chercher mon équilibre profond, ne prendre aucun autre paramètre en compte que moi-même…. Mais je sens l’immensité vibrante de la roche ancrer cet accès à mes profondeurs. Vais-je m’autoriser à faire mes choix structurants en fonction de ce qui me fait profondément vibrer ? Je me sens divinement complète, rien ne manque, j’atteins un calme qui me permets de voir clair dans ma trajectoire. Je m’engage à nouveau à cheminer chaque jour sur ce chemin vers ma liberté intérieure. J’ai entamé la redescente du lac pendant l’exercice, le mouvement le facilitant. Je croise alors une jolie présence toute de blanc vêtue. Dame Hermine a dans sa gueule son repas, elle trottine tranquillement devant moi. Je ne suis pourtant pas discrète du tout, puisque je descends en course légère. Elle finit par se retourner et m’observe un instant avant de continuer son chemin jusqu’à un monticule de roches. Je m’assoie, surprise et subjuguée par son apparition, c’est la première fois que je vois une hermine blanche. Elle rentre et ressort du monticule, elle me regarde, intriguée, presque curieuse. Elle est vraiment très belle, son pelage est tout de même un peu surprenant, elle est blanche mais sa queue… est légèrement verte ! Un reliquat d’une course folle dans les herbes ? Je m’approche un peu plus, elle part de cacher dans cet écrin rocheux. Tu as raison ma belle, préserve ton sauvage, de cela j’intègre l’enseignement. Ce n’est pas anodin pour moi de la croiser. La symbolique de l’hermine me saute aux yeux, la pureté, la sincérité du blanc, et sa capacité au changement, l’hermine s’adapte jusqu’au bout des poils aux saisons.

Je croise alors une jolie présence toute de blanc vêtue.[…] Elle rentre et ressort du monticule, elle me regarde, intriguée, presque curieuse.

Le soir venant, je me rends au refuge du Pas du Loup dans la vallée voisine, j’arrive dans un lieu bien plus grand que ce que j’imaginais et surtout… accessible en voiture ! J’entre rapidement car il me semble être en retard pour le diner, que les convives ont déjà entamé. Mais il n’en est rien, la diner a commencé plus tôt pour laisser place à une animation astronomique avant le couvre-feu. Bernard et Laurence sont très accueillants et leur présence est bienveillante. Ils me proposent de me mettre tout de suite à table si je le souhaite, c’est avec plaisir que j’accepte, la petite part de tarte du midi est déjà bien loin. Distances à respecter dans le contexte actuel, ce n’est pas pour mon déplaisir, je n’ai pas une immense envie de parler. Je déguste une délicieuse tartiflette végé, une dame est assise non loi de moi et je sens son regard posé sur moi de temps à autre, une délicate tentative de conversation. J’accepte et nous commençons à discuter tranquillement, quand deux autres personnes arrivent et la discussion tourne alors autour du sujet d’actualité qui génère maintes angoisses. J’écoute d’une oreille polie quelques minutes et file dans ma bulle. Je potasse ma randonnée du lendemain, et me délecte déjà de poser les mots de ma vie. Ne pas le faire me donne un immense mal de tête. A l’évocation de l’hésitation quant au partage de ces écrits, le beau-papa de Lucile s’est insurgé ! Toute création doit être partagé selon lui. Encore une fois ces propos infusent en moi. Après une douche imprévue, (les meilleures !) je reviens dans la salle commune pour écrire. Ne pas le faire avant de me coucher me vaut parfois des réveils nocturnes m’y invitant ! Me voyant tapoter dans mon coin, Bernard me demande à la volée « tu écris un livre ? » « oui » !! C’est sorti tout seul ! Je ris intérieurement de cette réponse si spontanée ! Nous parlons quelques instant avec Laurence et Bernard, avant de rejoindre les bras de Morphée.

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