danse avec les ombres

Cheminement au cœur du Granier, avec Florent, Val et Yo

Besoin de calme, de douceur et insatiablement envie d’être en montagne, le programme est alors discuté avec Florent. Nous convenons d’une soirée ciné, puis randonnée le lendemain. C’était sans compter les copains et leurs bonnes idées ! Val et Yo nous proposent de venir les rejoindre chez eux à Chambéry pour la soirée, et d’aller randonner ensemble le lendemain, objectif le Granier. La proposition est alléchante, nous acceptons avec joie ! Milieu d’après-midi, mon besoin de calme est intérieur et je prends alors le temps de la méditation. Ce que je nomme « méditation », n’a aucun protocole établie. Je suis juste à l’écoute de ce vers quoi mon corps, mon être, me mènent. Assise en plein soleil, j’accueille sa lumière et sa chaleur, c’est exactement ce dont j’avais besoin. Pendant la méditation, je vois l’image d’une énorme peau me recouvrir, avec des maillons dans le dos. Certains sont enlevés, cette peau me quitte. Je sens la nécessité de l’enlever patiemment, maillon après maillon. La vie m’apporte, avec son lots d’ « exercices », la fabuleuse possibilité d’évoluer, de quitter les anciens schémas et croyances, pour entrer dans une nouvelle ère de moi-même. Je reviens doucement après ce voyage intérieur dans le mouvement du corps. Je commence alors la préparation des affaires pour ce petit périple avec Val et Yo. Florent m’a offert un joli gilet en mérinos, créé avec conscience par la marque engagée annécienne : Les Hirondelles. Je le mets et me regarde dans le miroir. Je vois la femme que je suis. Habituée à osciller entre la femme et l’enfant en moi, je sens à cet instant que la femme à toute sa place. Sacs prêts, Florent s’active à son tour, après avoir terminé ses derniers échanges avec l’initiateur d’un concours photo dont il est membre du jury. Nous chargeons la voiture et le départ est sonné, direction Chambéry. Nous arrivons rapidement. La soirée est vraiment celle dont j’avais besoin, Val et Yo sont des passionnés du Japon et de ses montagnes, Val est architecte, leur intérieur reflètent bien ceux qu’ils sont. Simples et à la fois précis. Chaque élément est à sa place. Ils ont créés un espace très accueillant. L’apéro est un mélange de chips de choux Kale concoctées par Val et de débats sur l’itinéraire du lendemain. Les cartes sont sorties : distance, dénivelé, neige, éboulement, pluie… tout est abordé ! Je n’entre pas vraiment dans le vif de cette conversation, j’ai confiance en Florent et sa capacité à nous mener là où il faut. Néanmoins, en entendant quelques noms prononcés, cela m’éveille un souvenir… n’y a-t-il pas une grotte à traverser ? Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais pu entrer dans une grotte. Une peur bien ancrée. Cela m’a value en certaines situations de faire des kilomètres de détour à pied lors de randonnées, ou pire, une fois j’ai même été saisie d’une crise de panique dans un tunnel (de roche apparente) où j’ai perdu le contrôle de mon véhicule. Mais je sens, sans m’y être confrontée réellement, que cette peur a évolué. Je suis sans attente, je ne projette rien. Yo n’a pas l’air d’être très enjoué à l’idée de cette randonnée, mais j’ai le sentiment qu’il en faut peu pour le motiver ! Nous prenons ensuite des forces avec les délicieux plats préparés par nos deux amis, avant de mettre en place un jeu de plateau que nous affectionnons particulièrement. La seule et unique partie, nous fera terminer cette soirée en beauté ! Il est alors l’heure de rejoindre les bras de Morphée, nous installons notre lit pour la nuit dans le salon. Je m’allonge avec la nette impression qu’elle ne sera pas bien longue pour moi. Je regarde les heures défiler sur l’horloge… je suis un peu inquiète pour mon état le lendemain ! Ce qui me maintient encore un peu plus à l’état d’éveil ! Quand le réveil sonne je ne suis pas de toute fraicheur, et nous nous prélassons quelques minutes de rabe dans le lit. Cela s’active au-dessus de nous et Yo finit par sonner le réveil définitif ! Les corps se mettent alors en mouvement, il est temps ! Nous mangeons un petit déjeuner fort copieux, et cela me fait un bien fou ! Yo n’est toujours pas follement motivé par cette randonnée, il s’équipe mi marin mi alpiniste ! Le ciré jaune Guy Cotten, le bonnet, les gants de chantier, les chaussures d’alpi ! Son attirail lui ressemble bien : complexe et authentique à la fois. Pour sure, si l’un de nous n’aura pas froid, c’est bien lui ! Nous sommes fin prêts pour partir rejoindre Entremont, là où débute notre périple. Après une courte pause dans une boulangerie, à laquelle je vais préférer le jeun, nous arrivons à Entremont.

Yo n’est toujours pas follement motivé par cette randonnée, il s’équipe mi marin mi alpiniste ! Le ciré jaune Guy Cotten, le bonnet, les gants de chantier, les chaussures d’alpi ! Son attirail lui ressemble bien : complexe et authentique à la fois.

La nature environnante est très verte, et nous avons la chance de profiter d’un moment sans pluie pour découvrir les alentours, de belles prairies et des montagnes abruptes nous entourent. Malgré le temps qui semble se questionner sur son envie du jour, nous partons tous les quatre d’un bon pas, le cœur à la balade ! Yo et moi restons derrière, Val et Florent quelques dizaines de mètres devant. La traversée de la forêt est sublime, je sens qu’elle est bien peuplée, je suis joyeuse d’être là, bien entourée. Yo et moi parlons, mais bien moins que nos deux têtes de course ! Yo semble comprendre mon besoin de silence en ce lieu qui me ressource. Je suis alerte de tout ce qui m’environne et la conversation avec lui, ponctuant cette marche, est en harmonie avec ce que je ressens. La pluie commence à nous chatouiller doucement, elle est fine et clairsemée, sous les arbres je la sens même assez peu. Lorsque le sentier se rétréci, Yo marche devant moi, et son rythme est parfait. Lors des premiers kilomètres et des « bavantes » j’adopte spontanément un rythme régulier, je marche au rythme de mon cœur, sans forcer, sans trop de lenteur. Lorsque nous nous arrêtons, je sens mon corps qui veut continuer, ne surtout pas arrêter, mais je ne souhaite pas casser l’énergie du groupe et attends alors mes bons compagnons de marche. Lorsque nous sortons de la forêt, le vent se fait plus insistant.

Nous arrivons devant la fameuse grotte, elle est traversante en partie, mais un de ces flan est percé d’un tunnel, menant à la fameuse « caverne de l’ours ». Je suis ébahie, complètement présente à moi-même, je me laisse porter. Une envie profonde et totalement irrésistible s’ancre en moi. Mes battons tombent de mes mains, j’avance. Il me semble que j’ai évolué avec une infinie douceur, chaque pas sondant subrepticement la roche jalonnant le sol, avant de s’y poser. Tout mon corps vibre de cette attraction vers ces entrailles. J’entends les sons qui ont traversé le temps, je sens une présence puissante. C’est elle qui régit les lieux et mènent, ou non, les âmes en son antre. Chaque mètre vers l’ombre est réalisé en conscience et respect de cette présence. Je me sens légère et dense, je sais que c’est une grâce d’être accueillie en ces lieux. Je n’ai aucune volonté, aucun objectif, je laisse mes sens et mes cellules à l’écoute de ce qui est. La noirceur se fait plus dense mais ma vue s’y adapte complètement. Je sens Florent approcher doucement. Le « sas » de la grotte prend bientôt fin, ouvrant sur la caverne. Je tends ma main vers Florent et effleure la sienne. Sa présence renforce la qualité de l’instant. Je poursuis cette marche, cette danse, avec les ombres, avec mes ombres. La grotte est surplombante, ma main s’appuie sur la roche humide pour monter à l’entrée. Mes gestes sont lents, j’en sens la nécessité, à l’écoute de ce qui m’entoure. Je suis dans la grotte, l’obscurité est intense et pourtant le lieu m’apparait clairement. Je « sens » ce lieu. Florent a un léger raclement de gorge, m’indiquant un inconfort. Je comprends, je viens de sentir la même chose, il est temps que nous retournions sur nos pas. Main dans la main, nous cheminons vers la lumière, lentement, sans échanger de mots, ils seraient de trop en cet instant.

Tout mon corps vibre de cette attraction vers ces entrailles

Le vent est de plus en plus intense. Nous rejoignons Val et Yo, qui nous ont attendu à l’entrée de la grotte. Je sens le froid me saisir les mains. Je me mets alors à danser, à sautiller et à me trémousser pour ne pas le laisser s’installer. Florent observe les jeux d’ombre et de lumière créés par les ouvertures de cette immense cavité rocheuse. Avant même qu’il ne prononce un mot j’ai déjà pris la direction de l’entrée, j’aime être sa muse! Le vent est tellement intense qu’il taquine nos appuis et teste notre équilibre ! Les conversations se font à tue-tête ! Val se prête aussi à ce jeu, puis vient le tour de Yo… je pouffe de rire en voyant sa tête! Comme un enfant de 4 ans à qui l’on demande d’aller ranger sa chambre… il aurait bien envie de faire autre chose ! J’adore le regarder faire ! Il fait semblant de ne pas entendre ou comprendre ce que demande Florent pour que la torture soit la plus courte possible, et… pourtant il a une telle présence, les clichés avec lui seront de mes favoris, je le sais dès la prise de vue.

Nous sommes tous bien refroidis après cet instant de prise d’image, c’est alors avec entrain que nous reprenons le chemin. Le sentier est beau. La roche est criante de vie, tant et si bien qu’en levant les yeux, nous apercevons « Maurice » ! Nous surnommerons ainsi, l’homme au visage sans nez, dont la tristesse s’écoule de ses yeux fins… Le rire comme un baume de l’âme, nous lui offrons les nôtres.

La roche est criante de vie, tant et si bien qu’en levant les yeux, nous apercevons « Maurice » ! Nous surnommerons ainsi, l’homme au visage sans nez, dont la tristesse s’écoule de ses yeux fins…

Les nuages dansent avec la nature environnante, parfois quelques éclaircies transpercent le ciel à l’horizon. A présent, c’est un autre élément qui s’invite à la balade… je sens la pluie devenir plus dense… il neige ! Ma belle blanche, chère amie, heureuse de te revoir ! J’ai le cœur tout sourire ! La sentir se déposer sur mon visage m’émeut et m’emplie d’une douce pétillance. Le vent est toujours présent et fait virevolter les flocons, je savoure cet instant comme suspendu dans le temps, une parenthèse de pure légèreté.

Il neige ! Ma belle blanche, chère amie, heureuse de te revoir !

Je savoure mais nous devons tout de même continuer l’ascension, car nous avons plus de la moitié de la randonnée à faire et il n’est pas loin de midi. Peu de temps après, nous arrivons sur l’arête qui nous mènera au point culminant. Florent et moi sommes attirés, comme deux enfants, par cette arête, malgré le sentier de randonnée qui redescend et chemine 50 mètres plus bas. Nous restons donc haut, et j’en suis bien aise, les chemins tracés par les habitants sauvages des lieux sont mes favoris. Ce ne sont certes pas les chemins les plus faciles, mais sans conteste les plus beaux ! Ils me ramènent, je crois, à cet instinct sauvage qui m’habite, je m’y sens pleinement chez moi.

Peu de temps après, nous arrivons sur l’arête qui nous mènera au point culminant. Florent et moi sommes attirés, comme deux enfants, par cette arête, malgré le sentier de randonnée qui redescend et chemine 50 mètres plus bas.

Les chemins se recroisent et nous rejoignons Val et Yo pour les derniers pas avant le sommet. Cheminant dans cet espace de luminosité rasante, j’observe la palette de gris lumineux que nous offre le ciel. Certainement incitées par cette nature généreuse et créatrice, nous échangeons avec Val sur la notion de sororité. J’ai besoin de « sentir » un mot pour l’intégrer dans mon champ lexical, parfois sans même connaitre la définition précise, il fait déjà parti de moi, parfois il me faut du temps… presque deux ans pour celui-ci ! Et pour cause, il me faut cheminer profondément pour aller le chercher. C’est en accueillant ma part de féminité dans son absolue force et son absolue vulnérabilité, que j’ai pu ouvrir cette porte à la sororité, ce lien puissant entre femmes, venant des entrailles, qui nous mène vers la libération, un soutien indéfectible, une création collective. Val et moi, nous sommes tout de suite comprises, peu de mots échangés sur le sujet, un simple constat que nous sommes en train de créer ce qui ne nous a pas été transmis, simplement parce que nos ainées ne savaient pas.

[…] Ouvrir cette porte à la sororité, ce lien puissant entre femmes, venant des entrailles, qui nous mène vers la libération, un soutien indéfectible, une création collective. Val et moi, nous sommes tout de suite comprises […]

Les garçons nous ont rejoint et nous avons continué la marche jusqu’à la croix. Une barrière dissuade d’y aller, et pour cause, de nombreux éboulements ont lieux dans la zone. Après avoir étudié la carte, mes trois compères décident de modifier le tracé de notre retour. Je les laisse décider. Je suis dans mon élément, accompagnée de belles personnes, heureuse d’être là, où que nous allions. Les nuages valsent avec les falaises, laissant poindre par intermittence des avancées rocheuses. L’une d’elle m’attire tout de suite, Florent veut alors saisir l’opportunité de photographier l’instant. Je marche vers cet endroit qui m’appelle. Je m’installe au bord, le corps proche du précipice, les nuages devant moi m’offrent un tapis moelleux qui s’évapore puis revient dans un souffle somptueux. Soudain je sens l’attraction du vide ! C’est très fort et Florent me crie « arrête d’avancer, ne bouge pas ! » à plusieurs reprises. J’écoute avec conscience. Il s’approche et me fait reculer de quelques pas, je suis alors saisie de tremblement. A cet instant j’ai peur, je réalise à quel point l’attraction était forte. Je me mets en mouvement et reprends la marche rapidement afin de laisser passer cette sensation, je reprends pleinement pied sur le sentier, pleinement pied en mon corps. Attirée par le vide, peut-être est-ce cela que je chemine, faire le vide pour retrouver qui je suis dans les profondeurs de mon âme.

Je m’installe au bord, le corps proche du précipice, les nuages devant moi m’offrent un tapis moelleux qui s’évapore puis revient dans un souffle somptueux.

La végétation se redensifie autour de nous pour mon plus grand plaisir, les arbres sont de fabuleux guides à l’ancrage. Les estomacs criant leurs dus, nous cherchons un endroit un peu abrité du vent pour soulager la faim. La mousse présente dans cette forêt nous offre sa générosité, sa douceur. Je me sens bien à côté d’un gros rocher qui en est revêtu, au pied de deux arbres, les trois formant un demi arc de cercle, comme une main accueillante. Val, Yo et Florent s’installent pour déjeuner à quelques mètres de là, pour ma part je profite de cet écrin pour me ressourcer et me réancrer profondément. Bien que la pluie se soit arrêtée, le vent et l’humidité environnante nous invitent au mouvement pour ne pas trop refroidir nos corps, nous reprenons alors le chemin du retour. Je sens comme à la montée, la densité chaleureuse de cette forêt, je me sens accueillie. Florent et Val à nouveau devant, nous prenons le temps avec Yo d’observer les champignons fleurissants dans les recoins. Les somptueux arbres semblent tous posséder un caractère propre. Leurs écorces nous offrent l’art de la fresque naturelle, à leurs pieds amanites tue-mouches recouvrant les doux tapis de mousse, le spectacle invite l’observateur au rêve…

Val m’a prévenu d’un passage un peu plus engagé et équipé. Nous y arrivons, la roche est grise claire, et légèrement râpeuse, son contact ravie ma main ! Je ne perds pas une seconde de cette courte descente qui me permettra d’être au contact de cette roche puissante. Je tente, tant que faire se peut, de descendre avec le soutien qu’elle m’offre et non celui des équipements. La plus part ne sont pas nécessaires, mais la roche semble assez fragile, j’assure donc chacun de mes mouvements avant de m’engager complètement. Le passage est trop rapide, j’aurai aimé y laisser courir mes mains plus longtemps… C’est ainsi. Ce passage se termine, offrant une vue panoramique sur un très beau haut plateau, que nous allons longer, avant de reprendre le chemin clôturant la marche du jour. La fin de la randonnée est un grand chemin au cœur des arbres. Je réalise en cet instant… la grotte… ainsi je rencontre mon ombre et l’apprivoise pas à pas. Faire ce pas vers elle, quel périple en soit ! Je la considérais avec force comme une boite de pandore, il n’en est rien,. Il s’agit juste de moi, dans mon humanité la plus profonde. Les cœurs allégés par l’air pur et vivifiant, quelle qu’a été la manière de vivre cette escapade pour chacun, nous nous retrouvons tous les quatre avec la joie de ceux qui ont marché leur chemin, en bonne compagnie. Les éléments auront, eux aussi, été de précieux compagnons : Le temps nous aura tant et si bien offert l’ampleur de son savoir-faire que Valentine nommera notre randonnée du jour : la balade 4 saisons !

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